La réponse est Non. Allons même plus loin : nous allons essayer de montrer ici que le fait que le monde soit ou non déterministe, cela ne devrait pas pouvoir influer sur nos actes.
En fait, un monde déterministe n'est pas pour autant prévisible. En effet, même si on avait un ordinateur extrêmement puissant, il ferait partie de l'univers. Autrement dit, pour anticiper sur ce qui va se passer autour de lui, il faudrait qu'il se prenne lui-même en compte dans son calcul ! Autrement dit qu'il connaisse à l'avance le résultat de son calcul. Comme c'est impossible, c'est réglé : on n'arrivera jamais à prévoir vraiment l'avenir de l'univers, parce que nous en faisons, nous-mêmes et nos machines, partie.
Mais bon, on pourrait toujours se demander "jusqu'où on pourrait prévoir" ? Là aussi, la science nous donne une réponse : pas bien loin. En effet, il existe des systèmes très simples et qui sont extrêmement difficiles à prévoir - même s'ils sont parfaitement déterministes. Même lorsqu'on connaît les équations qui gouvernent un système, ça ne veut pas dire qu'on va savoir prédire son évolution. Et même si ces équations sont simples : ce sont les systèmes chaotiques. Le meilleur exemple (même si c'est déjà très compliqué comme système), ce sont les fluides, et la turbulence : "un battement d'aile de papillon en Australie peut (si tout se passe extraordinairement mal) déclencher un ouragan en France quelques semaines plus tard". Bref, pour arriver à prévoir les ouragans, il faudrait surveiller de près tous les papillons.
En plus, pour prévoir un système, il faut pouvoir mesurer la vitesse et la position exacte de toutes les particules qui le composent. On peut se faire une idée par exemple de la vitesse de l'air en prenant des photos satellites. Mais bien sûr, on rate énormément de détails, c'est rien de le dire. Et puis pour régler définitivement le problème, la mécanique quantique nous dit bien qu'il est impossible de mesurer les propriétés d'une particule sans la perturber. Et la moindre erreur de mesure fera que la prévision sera complètement fausse si le système est chaotique.
L'univers aurait beau être déterministe, il n'en serait pas moins parfaitement imprévisible. Et pas qu'un peu !
Oui, mais ce qui compte, c'est que tout soit prévu, non ?
Non. Si vous ne pouvez pas prévoir l'avenir (ni aucune boule de cristal, je vous rassure), c'est comme si il était indéterminé. Pour vous du moins. Cela ne peut donc avoir aucune incidence sur vos actions, puisque le fait que l'avenir soit déterminé ne vous apporte aucune information sur ce qui va se passer. Il faut donc continuer à ne pas s'en faire. La question du déterminisme n'a pas d'intérêt dans la vie quotidienne. Zéro.
Ça voudrait dire qu'on ne serait pas libre ?
En effet, si l'univers était déterministe, on ne serait pas plus "libres" de vivre que des pierres de tomber. Cependant, comme nous sommes carrément chaotiques, cela ne se voit pas : nous avons vraiment l'air imprévisibles. Et comment imaginer facilement que des lois simples nous gouvernent alors ? Les théories physique sur le chaos déterministe nous ont au moins appris une chose : c'est pas parce que c'est imprévisible que c'est forcément compliqué à la base. Peut-être que tous nos neurones marchent à peu près de la même façon. N'empêche, quelques milliards mis ensemble, ça donnera toujours quelque chose d'infiniment riche et complexe !
La liberté, ça n'existe pas, dans une telle vision du monde. Enfin, ça dépend de ce qu'on entend par liberté. Si c'est le fait d'être indéterminé, alors non. Mais on sait par contre qu'on est parfaitement imprévisibles. Ça ne suffit pas ? Dites vous que nous possédons une propriété exceptionnelle : celle de concevoir le fait que nous ne sommes pas libres. Nous sommes des témoins conscients d'un univers déterminé. N'est-ce pas fantastique ?
Et comment peut-on continuer à faire de la physique, si les choses sont à ce point imprévisibles ?
Eh bien même les systèmes les plus chaotiques, on peut quand même dire quelque chose sur leur comportement : on ne prédit pas leur évolution, mais leur comportement. C'est statistique, par exemple, comme le second principe de la thermodynamique, ou la turbulence.