Un phénomène chaotique est un phénomène dont la sensibilité aux conditions initiales est extrême. C'est assez simple, en fait : on dit souvent que le seul battement d'aile d'un papillon en Australie peut, si tout se passe mal, déclencher un ouragan dévastateur aux Etats-Unis, quelques mois plus tard. Le battement d'aile en lui-même n'est pas dévastateur, mais si il n'avait pas été là, les choses ne se seraient pas passées ainsi.
Autrement dit, si vous voulez prévoir à long terme ce qui se passera, dans un ou deux mois, par exemple, il vous faut tenir compte du moindre battement d'aile de papillon, sinon, vous risquez de vous planter complètement ! Evidemment, il faut supposer que les battements d'aile de papillon peuvent effectivement créer des dépressions - ce qui n'est sans doute pas très vrai. Mais l'idée est là : pour prévoir à long terme, il faut avoir une idée tellement précise de la situation initiale que c'est impossible.
Il faut donc renoncer à prévoir la météo à plus de quelques jours, parce que c'est un phénomène chaotique, c'est de la turbulence. Disons qu'on peut, à quelques jours près. Mais déjà, à 4 jours, c'est pas super. Et même d'un jour à l'autre, la météo peut se tromper : c'est pas qu'ils soient incompétents, c'est que c'est une tâche extrêmement difficile. Si ca se trouve, ils ont raté un petit truc décisif, qu'on ne voit pas sur les images satellites.
Pourtant, ce qui est rigolo dans tout ça, c'est qu'on connaît parfaitement les équations qui décrivent le mouvement dans une turbulence. Donc en théorie, si on connaissait à un moment donné parfaitement la situation (en tenant compte du moindre battement d'aile de papillon), on devrait pouvoir arriver à prévoir. Mais non seulement on ne saura jamais aussi précisément la situation initiale, mais en plus, cela demanderait des ordinateurs comme on ne saura probablement jamais en construire. Les équations servent en fait pour les cas simples, et pas vraiment pour la turbulence.
Ca ne veut pas non plus dire qu'on ne sait rien dire sur la turbulence, mais on a juste pris un autre chemin : on ne cherche plus à prédire à partir des équations seulement. On fait des constatations plus générales...
Tenez : dans une turbulence, il y a des tourbillons, de tailles très différentes. En fait, la turbulence, même si on ne peut pas prévoir exactement comment ça va se passer, a toujours le même comportement : elle divise les tourbillons en tourbillons plus petits. Et ce, quelque soit la taille des tourbillons - ça a l'air de se passer de la même manière à toutes les tailles de tourbillons, jusqu'à ce que les tourbillons deviennent tout petits et disparaissent. Eh bien c'est déjà un renseignement très important, ça. On sait que la turbulence fait ça, en général. On peut donc essayer d'en tenir compte pour prévoir quand même un peu mieux les choses. Et c'est pour ça qu'on arrive quand même à la météo à être de plus en plus précis, même si on sait qu'on ne sera jamais parfaits !
Plus généralement, on peut dire des choses en moyenne sur la turbulence et les phénomènes météos, mais on a du mal à prévoir exactement. C'est pour cette raison d'ailleurs que la question de l'avenir climatique peut être traitée avec une très bonne fiabilité alors qu'on est pas capables de prévoir le temps au delà d'une semaine : le climat c'est des moyennes, on sait très bien comment ça se comporte. La météo c'est le chaos, c'est très difficile à prévoir.